Le Design Textile et la banque d'images : un business possible ?

Temps de lecture : 18min

Les banques d´images et le designer textile

Une banque d'images est une société qui propose un large catalogue de photos ou illustrations pour tout type d'utilisation, tout territoire et tout support, pour un usage privé ou professionnel.  

Historiquement, ces services étaient réservés aux professionnels de la communication, du markéting et de la publicité. Depuis l'avènement d'internet, ces services se sont multipliés et ils proposent les images sous un format numérique. L’émergence de nouvelles agences (désigné sous le terme de microstock, par exemple Shutterstock, Fotolia) avec la baisse des prix engendrés, permet aux particuliers d'avoir aujourd’hui accès aux banques d’images et de pouvoir acquérir des images utilisées pour un usage privé.

Droits d´utilisation des images

Ces images sont libres de droits ( royalty-free ), cela signifie que contre le paiement d'une somme forfaitaire, le client acquiert l'usage illimitée d'une image ( selon cependant certaines conditions plus ou moins restrictives ). Cela se distingue des royalties qui prévoient un paiement modulable en fonction des utilisations choisies (durée déterminée, projet précis, quantité…).  

Ces images libre de droits peuvent être aussi proposées gratuitement mais ce cas n'intéresse pas notre réflexion.  

Non exclusivité des dessins

Ces images sont sans exclusivité. Plusieurs personnes ou sociétés peuvent l'utiliser légalement en même temps sur le même territoire pour le même usage.

Ces images peuvent être modifiées à loisir par le client.

Le créateur de l'image n'a aucun droit de regard ou d'autorisation sur l'usage qui est fait de son œuvre, sur les modifications qui pourraient y être apportées et sur le client à qui est vendu sa création.

Les auteurs de ces images sont des photographes, des graphistes et des illustrateurs ( professionnels ou non ) et ils perçoivent des droits d’auteurs sur chaque image vendue. Ces droits d’auteurs sont reversés directement par la banque d’images qui prend en charge la transaction avec le client  et touche une commission sur la vente.

Vendre ses créations, à quel tarif et quelles conditions ?

Le tarif de ces images peut varier selon les conditions d'utilisations. Il est toutefois largement inférieur à une rémunération correspondant à une cession des droits avec exclusivité ou une rémunération selon un système de royalties.

Depuis quelques années, ces banques d'images étendent leur service et proposent entre autres aujourd'hui des imprimés à un public professionnel ou privé selon les mêmes conditions inhérentes à leur modèle économique : libre de droit et sans exclusivité.  

Ce modèle est-il intéressant pour le Designer Textile ?  

Notre corporation débat et s'interroge sur ce sujet. La Trame voudrait partager avec vous quelques réflexions et beaucoup d'interrogations.

Visibilité, revenus passifs, démarche commerciale

Par l'entremise de la banque d'images, le dessinateur textile espère une visibilité accrue et des revenus passifs. Aucune démarche commerciale à la charge du designer textile, la vente potentielle reposant sur l'attractivité, les services et le dynamisme de la plateforme.  

La banque d'images même si elle prélève une commission sur chaque vente n'est pas un agent. Elle peut demander au dessinateur de motifs textile l'exclusivité de ses maquettes textile mais elle ne travaille pas pour lui.  Elle ne fait aucun démarchage ciblé pour lui. Son attractivité repose sur une offre la plus grande et diversifiée qui est alimentée par leurs dessins.  

Perdus au milieu d'un catalogue et de voisins que le designer de motif textile n'aura pas choisi, ses créations seront-elles plus visibles ou mises en valeur ?

Rémunération

Dans le cadre d'une rémunération d'une vente par une banque d'images ( libre de droit et sans exclusivité ), la rémunération pour un dessin est largement inférieure à une vente avec exclusivité et selon des conditions de temps, d'usage et de territoire négocié avec le client. En  effet, une fois la commission de vente retenue, il faut vendre plus de 24 fois un dessin pour atteindre le prix auquel le designer textile pouvait prétendre dans le cadre d'une vente avec exclusivité. La rentabilité du modèle économique repose en effet sur la multiplication des ventes à bas coût de ces images.  

Combien de temps pour atteindre ces 24 ventes minimum ( si elles adviennent )  ?

Rentabilité

Pour espérer un revenu régulier respectable, il faut donc avoir beaucoup de dessins sur ces sites et avoir beaucoup de ventes. Dans les faits, les revenus générés par ce système sont bas mais nécessitent quand même le temps non négligeable de création et de mise au point des fichiers ( selon les conditions du la plateforme ).

D'un point de vue professionnel, est-ce vraiment rentable ?

Ventes des créations

Vendre ses vieux dessins * ? Si il ne sont pas vendus, qu'ils "culottent", il faut se rendre à l'évidence, c'est qu'ils ne sont pas bons ou passés de mode.

Pourquoi se vendraient-ils plus ou mieux sur une plateforme ?

Créativité des designs textiles, propriété intellectuelle

Dans ce système, la rentabilité d'une image repose sur sa popularité et sachant que pour être le plus consensuel et séduire le plus grand nombre, il faut réduire les aspérités et originalités de la création, tout ce qui est clivant. C'est toute l'offre qui se trouvera créativement et qualitativement tiré vers le bas et peu renouvelé.  

En tant que créatif, cela rendra-t-il le travail du designer vraiment unique et son activité intéressante ? Pourra-t-il être toujours considéré comme un artiste ?

Qualité des créations

Aujourd'hui, on peut s'interroger sur la qualité des dessins proposés par ces plate-forme.  

Le designer doit-il alimenter par des créations uniques et qualitatives ce système et rendre attractif ce mode de vente ( où la rémunération est incertaine et basse et ne sera jamais revalorisée) ?

Négociation commerciale

Un dessinateur qui vend ses créations sur une banque d'images et à son propre réseau de clients selon des conditions très différentes, donne à ses clients tous les arguments pour négocier à la baisse sa propre rémunération.  

 En effet, comment pourra-t-il facilement négocier et justifier un tarif auprès de son client qui ne voudra pas ou ne comprendra pas forcément ce différentiel de prix si grand ?

Relation commerciale

La relation commerciale est aussi une rencontre avec un client qui se construit sur du long terme, qui est enrichissante et qui peut-être même sympathique et plaisante. C'est une négociation entre deux partenaires qui sont à priori libres de signer, ou pas, un accord. Être sur une plateforme c'est renoncer à ces contacts, renoncer à une certaine marge de manœuvre, se rendre dépendant d'une société qui décide pour le designer.  

Qu'en est-il du réseau de clients proposé par ce système à la fois volatil et dématérialisé ? Qu'en est-il de la liberté du free-lance ?

Quel est la position de La Trame au sujet des banques d'images ?  

Il est important de rappeler que ce commerce est tout à fait légal et que La Trame n'entend pas contester celui-ci.

Association de designers de motifs textile solidaires

Cependant, La Trame est une association de designers solidaires qui a pour mission de valoriser et de faire reconnaitre le travail du designer textile, qui se bat pour une juste rémunération de leur création et une meilleure reconnaissance de leur statut, qui conseille et aide les jeunes designers à s'installer dans le métier en leur donnant les bonnes pratiques et informations qui leur permettront de vivre correctement de leur travail et de s'épanouir.  

Nos recommandations

En suivant l'esprit de sa mission, La Trame ne recommande pas ce système de banque d'images qui en l'état, ne rémunère pas correctement le designer, fera évoluer le marché vers une baisse globale des prix, qui ne tient pas compte des spécificités de notre métier, crée une ultra concurrence entre designers, rend dépendant le designer d'un système sur lequel il n'a pas prise ( ce n'est plus le designer qui décide du prix de sa création, de ses clients, de son image ), ne valorise pas le travail du designer et enfin ne tire pas la Création par le haut.

Pour autant, informé et conscient de tout ce qui a été dit précédemment, chacun reste libre de mener son activité comme il l'entend.

* Que faire de ses vieux dessins, ? il n'y a pas de vieux dessins ! Nous ferons un post prochainement sur le recyclage de ceux-ci  ...

Fréderic du studio MINAKANI

Fréderic

Fréderic Bonnin du Studio MINAKANI, secrétaire de la trame

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